L’univers Robuchon : une mise en récit alléchante !

twitterlinkedin

J’aime quand Joël Robuchon décline sa vision de la cuisine au travers d’un univers cohérent.

En s’inscrivant parfaitement dans la tradition du chef-vedette, initiée dès les années 70 avec la Nouvelle Cuisine, Robuchon a su créer une galaxie d’établissements et de produits qui lui ressemblent.

Sur le web, un storytelling habile accompagne cette stratégie.

Ce que la nouvelle cuisine a changé dans le marketing des restaurants

Robuchon est certainement le chef qui symbolise le mieux les bouleversements apportés dans les années 70 par la Nouvelle Cuisine dans le marketing des grands restaurants. Ce mouvement culinaire, qui a produit son lot de changements dans les assiettes (cuissons plus douces, préparations plus légères, disparition des liaisons à la farine, etc.) a en effet contribué à placer le cuisinier au centre du dispositif de com’ des restaurants.

Robuchon-Atelier-création-dune-signature

Le personnage du maître d’hôtel, qui jusque-là était la véritable star des maisons les plus renommées, s’efface au profit du chef. Ce dernier commence à délaisser les fourneaux et à s’exposer davantage. Alain Chapel, les frères Troisgros, et bien sûr Paul Bocuse, sous l’impulsion des critiques culinaires Gault et Millau, se font ainsi connaître des gourmets du monde entier.

Désormais, le chef est perçu à la fois comme un artiste, un chef d’orchestre et un créateur… Il doit incarner le restaurant, mettre en avant son histoire personnelle, sa personnalité, sa démarche.

Joël Robuchon a tout compris à cette évolution. Après avoir obtenu les plus hautes distinctions en cuisine (trois étoiles au Guide rouge, meilleur ouvrier de France et même « cuisinier du siècle » pour le guide Gault et Millau), il décide de s’éloigner des casseroles pour commencer à développer son univers.

Joël Robuchon : plus qu’un nom, un label et une marque

Ce n’est pas un hasard si le site web officiel de Robuchon s’intitule « Le monde de Joël Robuchon ». Une présence sur 3 continents, un concept de restaurants (l’Atelier) accumulant un record de 28 étoiles Michelin, mais aussi des salons de thé, un concept de cave-boutique et des livres : le nom de Robuchon est devenu une marque à part entière.

Si le chef ne cuisine plus, il apporte une « signature ». Exactement comme une marque, il impose des garanties de qualité et le respect d’un cahier des charges, pour que chaque enseigne « Robuchon » soit à la hauteur du mythe.

Le concept de l’« Atelier » illustre à merveille cette démarche. Inspirée des bars à tapas espagnols et de la restauration japonaise, cette formule de restaurant est déclinée à Las Vegas, Paris, Singapour, Londres et Taipei. On retrouve partout le même design et la même déco, signée Pierre-Yves Rochon, avec ses couleurs rouge et noir.

Extravagance-truffe-noire-Joel-Robuchon-marque

Chaque Atelier est confié à un chef réputé, souvent formé par Robuchon lui-même, et applique les mêmes principes : produits de qualité superlative, dressages des plats caractéristiques du style Robuchon (notamment ces petits points de sauce disposés avec une précision chirurgicale autour des assiettes)… En tenant compte à chaque fois des spécificités de la gastronomie locale !

A noter que la démarche storytelling et brand content du chef s’appuie également sur une page facebook « Joël Robuchon » qui compte pour l’heure près de 30 000 fans.

Une ligne éditoriale à l’avenant

La ligne éditoriale du site de Joël Robuchon est quant à elle pensée pour accompagner ce travail de mise en histoire.

Le parcours de Robuchon est décrit comme une sorte de cheminement initiatique : après avoir fait ses preuves aux fourneaux, le chef prend sa retraite à 50 ans pour « désacraliser » la cuisine et faire oeuvre de vulgarisation en présentant des programmes de télévision.

Parallèlement, il parcourt le monde et en vient à définir ce qui sera la ligne directrice de sa signature. En réunissant autour de lui ses « compagnons de toujours » (autant dire ses apôtres), Robuchon crée ensuite sa marque, qu’il décline en autant de restaurants et de produits. C’est bien le personnage du chef qui donne corps à la galaxie Robuchon, et son histoire personnelle qui apporte prestige et cohérence aux établissements créés.

Aujourd’hui, la valorisation marketing du personnage du chef de cuisine est devenue banale. C’est bien simple : tous les « meilleurs restaurants du monde », recensés par la revue Restaurant, sont associés et identifiés à leurs chefs.

Ces derniers, au look de plus en plus travaillé, posent dans les magazines, donnent des interviews ou participent à des shows de télé-réalité, à la manière de Gordon Ramsay ou Thierry Marx.

Reste à savoir si le buzz organisé autour d’une forte personnalité se justifie par le contenu de l’assiette ! Joël Robuchon, cuisinier austère et rigoureux, peut à bon droit se servir de son nom comme d’une marque. Tous les chefs du moment sont-ils vraiment légitimes pour en faire autant ?

© photo bandeau : page Facebook Joël Robuchon

 

Article publié par Guillaume Gigant, consultant Editorial chez Soyuz.

empty